APICOLEMENT Vôtre
L’Etat d’une pratique agricole en perte de vitesse dans le Jitumu.
Contexte
Au Mali, la plus vieille initiative de développement que retiennent les annales de l’apiculture malienne remonte aux 1980. En collaboration avec l’U.S.A.I.D et la FAO, la Direction Nationale des Eaux et Forêts du Mali avait introduit des ruches kenyanes dans 4 communautés villageoises du Mali dont Sido dans la région de Sikasso, Konobougou dans la région de Ségou, Kita dans la région de Kayes et Tabacoro dans le district de Bamako. A cette époque l’on dénombrait un cheptel apicole de 500.000 colonies pour une production de 1.500 tonnes de miel et 100 tonnes de cires.
Au Mali, la plus récente initiative de développement de l’apiculture date de 2016. C’est une initiative du consortium Olvea Afrique sis au Burkina. Elle concerne les femmes d’une association dénommée Benkady sis à Sikasso et vise particulièrement la production de plusieurs tonnes de cires en vue de la fourniture des chaines de fabrication dudit consortium.
Entre 1984 et 2016, plusieurs initiatives de développement apicole sont survenues. L’une des plus notables est celle de Tériyabougou à San dans la région de Ségou. Cette initiative dont les productions ont fait le succès des apiculteurs de Tériyabougou s’est aussi essoufflée après la mort de son initiateur le père Bernard Vesperen.
En règle générale, l’apiculture relève encore, ici au Mali, plus du domaine du projet de développement communautaire que de l’action de développement communautaire. Voilà pourquoi les initiatives qui la concernent s’estompent toujours aussitôt qu’on les laisse aux mains des communautés villageoises bénéficiaires.
Cependant même si les causes de cette impossible poursuite de ces projets apicoles ne font pas l’objet de la présente publication, il est utile de signaler leurs liens aux contraintes organisationnelles des communautés villageoises qui les reçoivent.
L’apiculture au Jitumu
Ici dans le Jitumu (sud de Bamako), l’AGRICULTURE est la principale activité des populations. Cependant, les segments d’activités qui en sont constitutifs ne bénéficient ni de la même attention ni du même soutien. Et cela malgré l’importance du rôle que chacun de ces secteurs peut avoir à jouer dans la diversification des activités AGRICOLES de la localité ainsi que dans la résilience des populations.
Au nombre de ces segments AGRICOLES négligés se compte l’apiculture. Aussi ancienne que soit-elle dans le répertoire des activités AGRICOLES en cours dans le Jitumu et environ, l’apiculture y reste l’un des plus pauvres parents de l’AGRICULTURE. Elle est d’ailleurs moribonde du fait de l’absence d’initiative ré-dynamisante.
Actuellement dans le Jitumu, c’est une activité essentiellement cantonnée aux vieilles personnes et est, de ce fait confrontée à un réel problème de renouvèlement des générations actuelles d’apiculteurs. Alors qu’au regard de l’immense bénéfice écologique des colonies d’abeilles ainsi que du gros potentiel économique que peut comporter le miel et ses sous - produits sur des marchés aussi ouverts que les nôtres, une apiculture encadrée et soutenue pourrait largement contribuer à la résilience des populations en leur servant d’alternative au déboisement, à l’orpaillage ainsi qu’à moult autres problèmes socio-économique du Jitumu.
Le geste apicole: Modes d’actions et Acteurs au Jitumu
L’existence d’une tradition apicole à travers le jitumu & environ ne fait l’objet d’aucun doute. La multiplicité des ruches visibles çà et là à travers différents bois ou reliques de forêts villageoises à travers les communes en est une parfaite illustration.
L’Apiculture est ici au Jitumu une activité saisonnière. Elle se pratique intensivement en dehors des périodes de cultures agricoles. ‘’En effet, ici au Jitumu, on a l’habitude de se consacrer à la pose de ruches ou à la récolte de miel qu’en dehors des périodes de travaux champêtres. Parce que c’est le champ qui est la base de toute nos autres activités’’
La typologie des apiculteurs est aussi variés que les villages du Jitumu sont nombreux. Tout de même ; ils se subdivisent tout en deux sous-groupes majeurs : les collectifs et les individus ou encore en apiculteur par amour ou par tradition familiale ou encore en apiculteur ayant subi une formation en apiculture ou en apiculteur sans formation. Ce sont les membres de rares collectifs qui ont pour la plupart bénéficiés de formations qualifiantes et disposent de ruches modernes, contrairement aux individus qui sont majoritairement héritiers de traditions apicoles familiales. Malgré tout, l’Apiculture est ici au Jitumu une activité exclusivement masculine. Les apiculteurs sont jeunes, adultes et ou vieux. D’ailleurs, ce sont ces deux derniers groupes qui en constituent la majorité. Les femmes n’interviennent dans le processus qu’au niveau des étapes de filtrage ou de commercialisation. Ce qui, en dehors des questions de mœurs ou de coutumes, est en partie dû au système d’exploitation du modèle de ruche le plus répandue à travers le Jitumu.
Les Outils et le processus de récolte de miel au Jitumu :
La ruche est ici un objet de forme cylindrique consistant en lattes de bambou entrelacées de long en large et enduites de bouses de vaches sur toute sa surface extérieure que recouvrent de la paille attachée tout autour de la structure par des fibres généralement végétales. Traditionnellement l’exploitation de ce type de ruche exige sa suspension dans des bras d’arbres. Et dans le contexte de disparition rapide de zones boisées auquel le Jitumu est confronté actuellement, les arbres servant d’hôtes aux ruches deviennent de plus en plus grands.
Même si la rare présence dans certains bois de ruches kenyanes et de ruches en béton atteste l’existence de quelques outils apicoles modernes ; l’outillage apicole le plus répandu reste encore ici au Jitumu, majoritairement rudimentaire. Il se compose principalement de la ruche cylindrique ainsi que d’autres menus outils comme : la machette ou le couteau qui sert à enlever les rayons de miel de la ruche, le seau, le bac pour contenir la récolte de miel ainsi que l’indispensable tison de paille pour enfumer la ruche lors des récoltes de miel. Le coupe-coupe intervient aussi quelques fois ; surtout dans les cas où le miel à récolter se situe dans le creux d’un arbre. Cela sont des cas donnant lieu à l’abattage complet de l’arbre concerné. Dans ces cas particuliers, l’on parle plutôt de ‘’Didaga tchi’’ que de ‘’di bô’’ tel qu’on aime désigner la récolte sur ruche.
La récolte de miel est l’étape la plus répulsive du processus. C’est une activité qui commence généralement au crépuscule pour se poursuivre dans la nuit. Avant toute opération le ‘’récolteur de miel’’ se met torse nu et retrousse jusqu’aux cuisses les pieds de son pantalon. Ensuite, il grimpe ou ne grimpe dans l’arbre selon la hauteur du lieu de placement de la ruche. Et c’est ainsi qu’à l’aide de la fumée se dégageant du tison de paille allumé qu’il tient en main, le ‘’récolteur de miel’’ enfume la ruche afin de repousser les abeilles au fond. Suite à cet exercice d’enfumage des abeilles, commence l’extraction proprement dite des rayons de cires mielleuses. Les rayons extraits sont déposés dans un récipient suspendu dans l’arbre ou posé à terre au pied de l’arbre.
Les opérations d’extraction sont des moments de douleurs mutuellement partagées entre les colonies d’abeilles et les équipes d’extracteurs. Tandis que les colonies sont parfois complètement décimées, les ‘’récolteurs’’ sont l’objet de piqûres parfois mortelles.
Le rendement d’une ruche oscille, en moyenne, entre 2 & 6 kilos de miels par récolte.
Traitement, Accès au marché & processus de valorisation de la production apicole au Jitumu
Ici au Jitumu, il n’existe aucune infrastructure de traitement de miel. Chaque exploitant traite son miel selon ses moyens. Le processus de traitement post récolte consiste au filtrage des rayons de miel de leurs contenus de miel. Cette opération de filtrage se deroule dans un premier temps au froid puis au chaud dans un second temps. La première technique de filtrage d’extraction consiste en un filtrage du rayon de miel sur le temps. C’est généralement suite à ce premier filtrage au froid que les rayons sont ensuite placés sous des braises ardentes dans un objet filtrant (tamis de préférence) pour en extraire le reste de miel pouvant se loger dans les interstices des rayons de cire. L’on parle alors de miel brulé pour le second et de miel non brulé pour le premier. Deux techniques qui influent énormément la qualité et les prix du miel au marché.
Contrairement au lait, il n’existe pas encore de commerce spécialisé dans la vente de produits et sous-produits de la ruche. La commercialisation se déroule essentiellement sur les marchés locaux de proximité comme ceux de Diago, Ouelessebougou, Tchakadougou, même si certains stocks sont expédiés sur commandes à Bamako ou d’autres marchés urbains. Les ruchers vendent des seaux de 12 litres ou des barriques/bidons de 20 litres à 12 500F cfa ou 25 000 fcfa ; tandis que les revendeurs cèdent le litre de miel non traité à 1500 fcfa et celui du miel filtré à 2.500F 3.000F cfa.
En dehors du miel aucun des autres sous-produits de la ruche ne fait l’objet de commerce régulier ici dans le Jitumu et ses environs. Selon les informations qui leurs parviennent certains ruchers vendent parfois un peu de cire. Mais jamais assez pour en faire un segment de leurs activités apicoles. Pourtant la cire est une substance aussi valorisée que le miel. Elle est très recherchée par certaines industries comme celle de la cosmétique par exemple. Cependant, autant que le miel, il n’y en a jamais assez suffisamment pour satisfaire les besoins de plus en plus croissant de nos marchés.
Et c’est cet intérêt des consommateurs pour les principaux produits de la ruche qui est clairement indicatif de l’énorme potentiel économique que recèlerait l’émergence d’une filière apicole moderne et autonome dans le Jitumu voire au Mali.
Conclusion
Les bénéfices écologiques et économiques que comporte l’organisation d’un secteur apicole moderne sont simplement incommensurables ; l’on n’a pas encore l’idée, ici au Jitumu, d’une comptabilisation du cheptel apicole à fortiori d’une considération de l’abeille comme richesse biologique.
Alors que l’émergence d’une apiculture modernisée, ici au Jitumu, en plus de pouvoir annihiler définitivement la vitesse de disparition actuelle des colonies d’abeilles par le renouvellement du regard sur leurs rôles oubliés dans l’écosystème ; contribuera effectivement à la résilience des populations agricoles dans le contexte actuel de paupérisation exacerbée dont elles souffrent du fait de la pauvreté des terres agricoles ainsi que de la rareté des eaux de pluies.